En direct de Ouarzazate (3) : Casbahs & Cinéma

Publié le par province Ouarzazate

 

Capitale du cinéma ? Peut-être... Mais pour qui ? Une Tourangelle de coeur tente de répondre à cette question...

 

 

 

OZZ - Logo Casbahs et CinemaL’association « Casbahs et Cinéma » se donne pour objectif « d’ouvrir les yeux » des enfants de Ouarzazate sur un cinéma qui ne soit pas seulement la bouillie américaine déversée à longueur de temps sur les écrans d’une télévision sans âme et sans imagination. Rencontre avec Anne Trouvé, l’initiatrice de ce projet aussi ambitieux que délicat à mettre en place.

 

 

Les dépliants touristiques n’ont peur de rien. Pas même de qualifier Ouarzazate d’Hollywood du Sud Maroc. Pourquoi pas ? Après tout des cinéastes aussi réputés que Ridley Scott ou Martin Scorsese, voire Alain Chabat ou Gérard Jugnot , y ont tourné des films qui ont connu des succès populaires, et même, parfois, critiques. Des studios se sont installés aux portes de la ville. Des décors sont visibles çà et là – souvent en piteux état. Mais qu’est-ce que tout cela apporte aux autochtones ? Du travail, certes, quand ils décrochent un poste de figurant ou d’artisan. Mais quid de la culture cinématographique ? Rien. Ou presque. Surtout chez les jeunes qui s’abreuvent uniquement à ce que leur déverse la télé : des programmes de mauvaise qualité où se bousculent les films d’action et de kung-fu, de médiocres séries égyptiennes ou hollywoodiennes et des feuilletons aussi larmoyants qu’arabisants…

 

Illustrations-pour-le-blog---3 2129Anne Trouvé, la fondatrice de Casbahs & Cinéma

 

« Ce n’est pas leur culture d’aller au cinéma », reconnaît Anne Trouvé, la fondatrice-présidente de l’association Casbahs & Cinéma, créée en 2008 et destinée à « ouvrir les yeux » des enfants sur autre chose que ce qu’ils regardent à longueur de temps chez eux, en famille, devant le petit écran. Le grand, lui, n’existe plus depuis belle lurette : voici bientôt dix ans que les deux salles de Ouarzazate, « L’Atlas » et « Le Sahara », sont fermées… Pas étonnant, alors, de constater une réelle « pauvreté » cinématographique : «  Quand on leur parle de vrai cinéma, ils ne savent même pas qui est Alfred Hitchcock… ».

 

 Il existe bien une école de cinéma (ISMC), qui accueille quelques 200 étudiants, avec une formation sur deux ans et dans six filières différentes (maquillage, décoration, photo…). Quand ils sortent avec un diplôme, où vont-ils trouver du travail ? Au Maroc, où les tournages sont en baisse ? De plus, quand une équipe arrive, qu’elle soit américaine ou autre, elle vient avec ses propres techniciens (même s’il y a obligation d’employer 30% de locaux… mais cela se fait rarement).

SORTIE CASBAHS DU 14 MARS 2010 002

 Les enfants partent aussi à la découverte des décors de cinéma : ici devant un élément du film "Astérix et Cléopâtre".

 

Voilà l’environnement qu’Anne Trouvé, originaire de Normandie et Tourangelle pendant une trentaine d’années (elle a participé au Festival du court-métrage et aux Rencontres Henri-Langlois), tente de changer depuis trois ans à Ouarzazate. Auprès des enfants, d’abord, en leur proposant, dans les différents quartiers de la ville, des projections (gratuites) de films pour les 7-14 ans : Walt Disney, Chaplin, Laurel et Hardy…mais aussi Tim Burton. Projections en français – traduites simultanément en berbère si besoin – avec l’aide d’un responsable de l’Institut Spécialisé des Métiers du Cinéma (ISMC). Avec un petit « speech » en entrée et un « débat » en dessert.

 

Mais elle a un autre projet à cœur : créer un ciné-club pour les adultes qui ont envie de retourner au cinéma. Notamment ceux de la communauté étrangère (200 Français vivent ici) qui n’ont aucune salle à se mettre sous la dent – en attendant la construction de celle prévue dans le cadre du Musée du cinéma. « Des séances ouvertes à tout le monde, suivies d’un débat à l’issue de la projection… ». Et, cerise sur la gâteau, l’espoir de faire venir un réalisateur, ou tout au moins un formateur de l’ISMC. « Il y a un gros travail à faire à Ouarzazate pour faire sortir les gens de chez eux, mais nous fonctionnons avec un petit budget : celui alimenté par une soixantaine d’adhérents… ».

Illustrations-pour-le-blog---3 2088Une grille fermée et rouillée : ce qui reste du dernier cinéma de Ouarzazate.

 

Alors Anne Trouvé se prend à rêver : « Pourquoi ne pas faire connaître mon association à Tours, et impliquer, par exemple, la Ville dans mon projet ? ». Autrement dit, pour cette femme dynamique, passer à la vitesse supérieure. Ce qui ne lui fait pas peur. Elle qui a déjà aidé au lancement des Rencontres sous la tente (en présentant des films issus d’écoles de cinéma), et de La Route du cinéma et des étoiles (en proposant aux voyageurs des jeux thématiques et des visites de sites de tournages).

 

N’a-t-elle pas fait sienne cette devise : « Le monde du partage devra remplacer le partage du monde… », signée d’un certain Claude Lelouch ?

 

Alain DUTASTA.

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